A la racine de “la crise des abus” révélée par le rapport de la CIASE se trouve une crise de l’autorité et de la gouvernance. S’il a été évidemment prioritaire de dénoncer les crimes sexuels dans l’Eglise, il est aussi nécessaire et urgent, non seulement de repérer les abus de conscience ou de pouvoir, mais de construire ensemble des relations et une gouvernance ecclésiale qui nourrissent la vie fraternelle de nos communautés chrétiennes et les engagent dans l’annonce de la Parole.
La tentation est grande de considérer l’Institution comme l’unique cause des dérives de l’Eglise, devenant ainsi un bouc émissaire facile. La cause des déficits de l’Eglise est double : dans les processus de gouvernance institutionnelle, certes, et aussi, en chacun de nous, prêtres et laïcs, dans nos fragilités et nos contre-témoignages de baptisés. En tant que laïcs, ne regarder que les déficiences de l’Institution -incarnée essentiellement par des prêtres et évêques-, est une facilité qui nous dédouanerait de notre propre responsabilité.
Mais qu’il s’agisse des processus institutionnels ou des relations pastorales ou fraternelles, ces deux volets de la gouvernance ecclésiale exigent de se remettre en cause personnellement et collectivement, et donc de mener un véritable travail en profondeur pour reconnaître ses propres croyances, ses représentations, ses scénarios, ses angles morts. C’est un travail personnel nécessaire, c’est aussi un travail communautaire indispensable. Car le corps ecclésial, auquel participent nos communautés locales, est traversé par des fonctionnements souvent inconscients qui doivent être explicités, clarifiés, parfois corrigés. La joie est de voir de nombreux prêtres s’engager authentiquement dans ce développement de leur humanité, de leurs compétences et de leur gouvernance. « La Grâce ne remplace pas la nature, elle la perfectionne » nous disait saint Thomas d’Aquin. La véritable conversion spirituelle implique un travail qui touche notre humanité, et qui exige un vrai travail sur soi, une relecture de son histoire, une reconnaissance de ses talents, un développement des vertus, une vigilance pour ne pas retomber dans ses croyances limitantes et ses scénarios de survie. Oui, devenir pasteur s’apprend chaque jour, avec ténacité, en investissant des temps de relecture de son fonctionnement et de confrontation avec des confrères guidés par un coach ou un psychologue. Ce n’est pas de tout repos, mais cette croissance humaine permet à la Grâce d’agir alors pleinement.
Nous savons aussi que ces processus de gouvernance s’appuient sur une ecclésiologie de communion entre prêtres et laïcs qui doit être creusée et nourrie pour sortir des logiques de surplomb. Les chantiers sont immenses. Les enjeux sont colossaux. Les ouvriers sont appelés au service, chacun avec ses talents pour que l’Eglise reflète toujours davantage l’amour de communion qu’elle est appelée à vivre dans ce monde.
Olivier, président de Talenthéo