La relation entre prêtres et laïcs est l’une des questions majeures de la synthèse du travail synodal mené cette année en France à l’invitation du pape. L’apprentissage du travail collectif pour une vison partagée : un enjeu pastoral et un parcours que fait vivre l’association Talenthéo.
Article paru dans La Vie par Laurence Faure Publié le 09/07/2022 à 06h46, mis à jour le 09/07/2022 à 06h46
« Faire un audit de nos 14 clochers » ; « créer un “QG”, lieu de rencontre pour tous les paroissiens » ; « rendre la prière communautaire plus accessible »… Les Post-it roses et jaunes s’accumulent et les échanges entre petits groupes studieux fusent dans le jardin de la Maison des Lazaristes, rue de Sèvres, à Paris.
Venus de Limoges, de Nanterre, de Toulouse, de Périgueux, d’Orléans et d’Angers, sept groupes paroissiaux se retrouvent pour la journée de clôture du parcours « Vision pastorale » organisé par l’association Talenthéo.
À travers quatre modules interactifs suivis à distance, ce parcours est conçu pour les curés et une équipe paroissiale dédiée, afin de les faire travailler sur leur vision pastorale « à horizon de 5 ans ». En cette dernière session, les quelque 60 participants, laïcs et prêtres, qui se rencontrent pour la première fois de visu, planchent sur les idées de chantiers prioritaires qu’ils souhaitent mettre en place dans leur paroisse, selon la vision qu’ils ont dessinée durant l’année.
« Une coresponsabilité heureuse »
Au micro, Olivier Sachs, coach du réseau Talenthéo qui a participé à la création de ce parcours en 2020, lance la journée, qu’il pilote avec trois autres intervenants : « Vous savez maintenant où vous voulez aller… Désormais, il faut y aller ! » Outre les chantiers listés, les équipes vont poser les bases d’une journée synodale à organiser en paroisse, pour présenter ces projets à leur communauté et permettre à tous de s’y engager, en composant avec les « résistances possibles au changement » ou les divergences éventuelles, qui seront également abordées.
La paroisse angevine de Saint-Martin-en-Longuenée, 14 clochers, couvre un territoire de 30 km sur 20. Pour constituer une équipe « Vision », une dizaine de paroissiens ont répondu présents à la proposition du curé, Aymeric de Salvert, qui a volontairement panaché les âges (de 26 à 72 ans) et les profils.
Avant de se lancer dans le parcours, « on se côtoyait à la messe, explique Thomas, trentenaire. Mais c’était nouveau pour nous de travailler ainsi en équipe, hors EAP (équipe d’animation pastorale, ndlr) et hors service paroissial, avec de nouveaux partenaires ». Et d’ajouter : « Nous avons travaillé à l’avenir de notre paroisse dans une coresponsabilité heureuse, nous exprimant en confiance autour du curé, qui reste notre pasteur. J’ai compris que nous étions tous amenés à construire l’Église de demain. Chacun peut apporter sa pierre. »
« Savoir où l’on veut aller ensemble »
Olivier Sachs, qui est aussi auteur de la Conversion pastorale du Concile au pape François (Parole et Silence) et rédige une thèse de doctorat en ecclésiologie sur l’articulation du rôle des prêtres et des laïcs, nous confie : « La méthode, c’est qu’ils se mettent à huit ou dix pour élaborer leur vision commune. Ensuite, ce petit noyau est élargi à tous les autres paroissiens qui le souhaitent. »
Et de compléter : « Tout l’intérêt est de chercher à savoir où l’on veut aller ensemble. Ce travail en petites équipes permet de modéliser une nouvelle manière de travailler. Beaucoup n’ont jamais eu cette expérience d’un travail de parité entre prêtres et laïcs. Même si, finalement, le curé a le rôle de trancher, chacun contribue au même niveau, en fraternité. »
« Dans notre équipe, nous avons des spiritualités et des cultures ecclésiales diverses, abonde Joëlle, 72 ans, autre paroissienne de Saint-Martin-en-Longuenée, et nous avons tout le spectre des liturgies ! » Alors, pour travailler à une vision commune, « il a fallu se roder », remarque François, la soixantaine, en souriant. Une nouvelle relation en est née.
« Avant, j’avais une vision “descendante” et un peu lointaine du prêtre, reconnaît Thomas. Nos échanges plus fréquents, constructifs, ont changé ce regard. Cela force aussi à ne pas rester campé sur ses positions, à accepter et à entendre ce que peuvent dire d’autres paroissiens… »
Dans un contexte plus général de conversion pastorale et d’enjeux liés à la synodalité, pour Olivier Sachs, « le fait de réfléchir ainsi à la vision pastorale, en équipe, est un exemple et l’un des effets de la synodalité, si celle-ci est bien vécue ».
Vision pastorale à 5 ans
Mais la journée file. Place à un partage de visions et de chantiers entre paroisses. L’équipe du Sacré-Cœur d’Orléans (trois clochers) présente, sur de grands panneaux, les six axes qui composent sa vision pastorale à 5 ans, « une Église audacieuse et humble ».
« Ici, nous avons toujours fonctionné en équipe de laïcs et de prêtres, précise Valérie, paroissienne. Mais nous profitons de ce parcours pour accueillir et travailler avec notre nouveau curé, tout en cherchant à renouveler notre vision pastorale, déjà élaborée il y a 5 ans. »
Bernard Héraut, le curé, ajoute : « Sur le fonctionnement synodal, réfléchir en équipe n’est pas une découverte. Mais cela clarifie ce type de fonctionnement. Car on peut très bien le vivre sans en percevoir les enjeux. »
« Progresser dans la confiance »
La paroisse Saint-Jacques-en-Bergeracois, en Dordogne, a constitué une équipe « Vision » de deux prêtres, un diacre et trois laïcs tous membres de l’EAP. Cette paroisse compte 48 clochers sur 42 communes réparties sur 40 km.
L’intérêt de construire cette vision à 5 ans pour le curé modérateur, le père Thomas Magimel-Pelonnier ? « On est forts pour organiser les choses à un an en calquant une sorte de rituel pastoral, répond-il. Là, se projeter et établir des chantiers à 5 ou 10 ans nous fait penser autrement notre croissance paroissiale et spirituelle. »
« On avait certes l’habitude de travailler ensemble, remarque Gaëlle, membre de l’équipe, mais nous progressons dans la parole entre prêtres et laïcs, dans une nouvelle liberté et dans la confiance. Ce travail commun m’a ouverte au regard du prêtre qui n’est pas le mien, à son souci pastoral, à ses difficultés… Et inversement. »
« Même si ce n’est pas une conversion évidente pour moi, observe le père Magimel-Pelonnier, la confrontation des idées et des points de vue permet justement d’affiner ensemble les propositions. Je crois que cela nous approche de la vérité. Même si, comme pasteur et curé, nous avons le rôle de trancher, on entre là dans un chemin qui nous fait “marcher ensemble”. »
Et de conclure : « Organiser la journée synodale paroissiale pour lancer les chantiers va nous obliger à des résultats qui seront peut-être petits, mais ce ne sera jamais perdu. »
Pour en savoir plus sur le Parcours Vision pastorale, cliquez sur ce lien.