Échange avec Nathalie, coach Talenthéo, qui était présente les 8 et 9 mars derniers à notre colloque consacré aux visites canoniques et apostoliques pour les mondes séculier et régulier. Elle animait à cette occasion un atelier pour approfondir un des axes de ce sujet brûlant : "Après les visites, comment accompagner les transformations nécessaires ?"
Nathalie partage avec nous ses réflexions sur l'importance des visites, et quelques enseignements qu’elle a pu tirer de cette rencontre qui a réuni près de 200 religieux, prêtres, évêques, et laïcs.
Quel est votre point de vue de coach engagée dans l’Église sur l'importance des visites ?
Tout d’abord, ce colloque a mis en avant une Église soucieuse de ses membres, et en pleine réflexion : c’est une grande joie de voir ces pratiques remises en avant !
Pour moi, il s’agit d’un sujet critique. J’étais étonnée de découvrir que les visites n’étaient pas systématiques, notamment dans le monde séculier. Ces deux jours de réflexion ont permis de mettre en lumière des témoignages forts, qui ont clairement montré que l'absence ou la mauvaise exécution de ces visites pouvait avoir des conséquences graves.
La crise des abus a montré la nécessité de revisiter ces dispositifs déjà existants. Actuellement, il me semble que nous fonctionnons plus sur une base d’alerte que de façon systématique. J’ai d’ailleurs trouvé la réponse des évêques un peu étonnante : ils proposent de s’inviter à se visiter, mais sur la base du volontariat, sans protocole ni contrainte. Cela montre que l’Église est encore en chemin.
Qu’avez-vous appris lors des conférences et ateliers ?
J’ai d’abord appris des choses très factuelles. Par exemple, j’ignorais que les constitutions des congrégations religieuses mentionnaient déjà les pratiques de visites. C’était intéressant de découvrir que ces pratiques existaient depuis longtemps.
J’ai également été surprise d’entendre à plusieurs reprises que les pratiques d’entreprise peuvent sembler en retard ou inadaptées par rapport aux pratiques de l’Église. Pourtant, il y a des approches intéressantes et inspirantes dans le monde de l’entreprise, comme les audits internes préventifs qui analysent le management et les éléments systémiques.
Les ateliers m’ont également beaucoup apporté. J’ai découvert à quel point nous sommes de bonne volonté, mais souvent rattrapés par nos habitudes. Cela m’interpelle. Il reste encore difficile pour beaucoup de réaliser des visites en coopération avec des laïcs.
"Il y a des approches intéressantes et inspirantes dans le monde de l’entreprise, comme les audits internes préventifs qui analysent le management et les éléments systémiques."
Comment expliquer cette réticence ?
J’ai remarqué une double attitude. D’un côté, il y a une mise en route sincère, une volonté d’améliorer les fonctionnements, de suivre le Christ et de rendre les communautés plus vivantes, avec une prise de conscience que nous sommes tous coresponsables.
De l’autre côté, il y a une forme de méfiance dans cette coopération, avec parfois des réponses timides et des démarches qui restent ancrées dans les habitudes, « comme cela a toujours été fait ».
Peut-être que notre jargon de coach ou de laïc, difficilement transposable, est source de réserves du côté des consacrés. Leur vœu d’obéissance demande en effet un grand déplacement de notre part, et beaucoup ne voient pas que nous sommes avec eux dans ce chemin. Le pape François dénonce aussi un autre facteur de méfiance : certains, du fait de leur engagement dans l’Église à la suite du Christ, pensent « savoir mieux que nous », et ne pas avoir besoin de nous. Cette tension est saine, mais il reste à savoir comment la mettre en mouvement. Il y a de part et d’autre un désir de cheminer ensemble pour comprendre comment cela se décline dans la vie religieuse et la vie des laïcs consacrés. C’est un enjeu de conversion pour tous.
"Il y a de part et d’autre un désir de cheminer ensemble pour comprendre comment cela se décline dans la vie religieuse et la vie des laïcs consacrés. C’est un enjeu de conversion pour tous."
Les évêques qui nous font confiance ont compris que notre apport réside dans le questionnement. Ce questionnement, porté dans la prière et en communauté, peut porter du fruit. Nous pouvons les interpeller avec des observations faites ailleurs. De nombreuses communautés retrouvent de la liberté en cheminant de cette manière, et en partageant avec des personnes aux responsabilités similaires dans des ordres religieux différents.
Notre accompagnement n’apporte pas des réponses toutes faites, mais un éclairage, une ouverture et de la confiance.
Qu’est-ce que ce colloque vous a donné envie de faire ?
Ce colloque m’a confortée dans mon métier de coach. Je ne suis pas là pour apporter des solutions, mais pour accompagner et soutenir. Il m’a donné envie de poursuivre mon engagement au service de l’Église, et de mieux me former pour connaître l’existant et contribuer toujours mieux à la construction de l’Église, à ma place.
Comment le coaching pourrait servir la modélisation des protocoles de visite ?
Concernant la modélisation des protocoles, il existe des pratiques inspirantes dans le monde de l’entreprise. Intégrer un groupe de partage entre auditeurs internes pourrait être un excellent moyen de s’inspirer de ces pratiques, et de les adapter au contexte des visites.
Du côté du coaching, j’entrevois plusieurs possibilités, mais de manière indirecte : ce n’est en effet pas au monde du coaching qu’il revient de créer de tels protocoles.
En revanche, le coaching peut contribuer à former les visiteurs aux compétences de questionnement : savoir poser les bonnes questions, soulever les bons sujets, ne pas passer à côté de l’essentiel lors d’une visite. Les dispositifs de supervision sont un autre champ exploratoire intéressant qui pourraient être utiles aux visiteurs, parfois pointés comme peu empathiques ou trop exigeants.
Ensuite, le coaching pourrait jouer un rôle clé dans le suivi des recommandations et leur mise en œuvre. En effet, après les visites, l’accompagnement à l’implémentation me semble essentiel.