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Avancer ensemble dans une gouvernance partagée

Entretien avec Mgr Alexandre Joly, évêque de Troyes, et coordinateur du synode sur la synodalité pour la France, Cyrille Prache, délégué général du diocèse de Digne et Stéphane Ancel, coach Talenthéo.




Tous appelés à servir selon nos charismes

“Le Concile Vatican II a beaucoup insisté sur la mission première du baptisé laïc qui est dans le monde pour accueillir le royaume de Dieu présent et à venir. Néanmoins, il a également une mission dans la conduite et l’animation de l'Église, qui n'est pas le simple fait de ceux qui sont ordonnés, mais appartient aussi à l’ensemble des baptisés. Le baptême et la confirmation, sacrements de l’initiation chrétienne, sont aussi un appel lancé à l’ensemble des chrétiens à être actifs dans l’Église avec des missions différentes. Il confère à chacun ce qui est appelé le sensus fidei et que le pape François traduit par « le flair du peuple de Dieu », l'instinct des choses de Dieu qui est dans chaque chrétien et est vécu d'une manière toute particulière quand ils sont rassemblés.” explique Mgr Joly.


"La présence des fidèles laïcs est nécessaire dans la vie mais aussi la gouvernance de l'Église, puisque c'est elle qui va conduire un certain nombre de choix pour la vie de l'Église."

Ce qui concerne tous, doit être examiné par tous.

“Si quelque chose concerne tout le monde, chacun doit ou peut prendre part aux réflexions. Ce principe remonte à l'Église antique et a pris des formes un peu différentes, notamment au Moyen Âge ou au deuxième millénaire. Gouverner de manière synodale est un principe très ancien que l’on retrouve dans le premier Testament et dans les grandes traditions bibliques et monastiques. Quand vous regardez la règle de Saint Benoît, le père abbé ne décide pas tout seul. Les décisions qu'il prend pour la communauté sont toujours prises de manière collaborative avec la communauté. La présence des fidèles laïcs est nécessaire dans la vie mais aussi la gouvernance de l'Église, puisque c'est elle qui va conduire un certain nombre de choix pour la vie de l'Église.


Une gouvernance ecclésiale fondée sur la mission et les compétences

De manière presque concomitante au synode, est parue la constitution apostolique Praedicate Evangelium qui réforme la Curie romaine et son service rendu à l’Église dans le monde. Les principes de cette constitution valent aussi pour l'Église tout entière, et rappellent qu’une responsabilité peut être confiée à une personne en raison de ses compétences et de sa mission, indépendamment de son état de vie. C'est ce qui a conduit le pape François à nommer des laïcs et des religieuses à la tête de dicastères. Dans mon diocèse, j’ai moi-même confié des responsabilités à une déléguée générale qui travaille en lien avec le vicaire général pour accompagner les services diocésains et la pastorale.” poursuit Mgr Joly. “J’accompagne la transformation de l’Église en aidant les prêtres et les laïcs à travailler ensemble, à repenser leur organisation, et à inscrire leurs actions dans une vision pastorale durable et cohérente. L’objectif est de construire un travail commun, où chacun marche dans la même direction, avec une priorité claire : l’évangélisation et l’accompagnement des fidèles dans leur foi. C’est pourquoi j’attache beaucoup d’importance à inclure différentes voix dans nos réflexions, y compris celles de personnes éloignées de l’Église et des catéchumènes. Comprendre leurs attentes nous permet de mieux orienter nos actions pastorales.” témoigne Cyrille Prache, délégué général diocésain, du diocèse de Digne.


Vers une gouvernance plus équilibrée

Dans mon diocèse de Troyes, je conçois la gouvernance sous forme d’un trio épiscopal avec l’évêque, le vicaire général et la déléguée générale auquel est également associé étroitement l’économe diocésain. L’ensemble des décisions importantes que je prends pour le diocèse sont prises par ce trio. Néanmoins, chaque corps a besoin d'exister en lui-même. Quand je réunis mon conseil presbytéral, qui a toute sa raison d'être, la déléguée générale n'est pas là. En revanche, quand je rencontre les curés, elle est présente parce que nous allons faire des choix sur la vie pastorale et un certain nombre d'éléments de réflexion.” explique Mgr Joly. “Il n’existe pas de modèle unique pour le rôle de délégué général. Chaque diocèse adapte son organisation en fonction de ses ressources et de sa taille. L’administration diocésaine se professionnalise de plus en plus. Autrefois, les économes étaient souvent des prêtres ou des diacres, mais aujourd’hui, ces fonctions sont confiées de plus en plus à des professionnels laïcs afin de mieux répondre aux exigences de gestion. Cette évolution s’accompagne également d’une féminisation progressive des postes à responsabilité, ce qui marque un vrai tournant culturel au sein de l’Église.” complète Cyrille Prache.


La complémentarité homme-femme

Un autre enjeu crucial est la relation homme-femme dans l’Église, qui reste un sujet de tension et de blessure, mais aussi un levier de croissance pour une gouvernance plus équilibrée. La présence d’une voix laïque et féminine permet d’apporter une complémentarité des regards. Le délégué général n'est pas nécessairement une femme, mais je pense que le regard homme-femme dit quelque chose du projet de Dieu et de la manière dont Il se révèle à nous, puisque nous sommes à son image et ressemblance. Je suis persuadé que la présence des femmes au synode, aux côtés des délégués fraternels et des chrétiens d'autres confessions, a été une des clefs de la qualité du travail accompli. Ceci a conduit le Pape à remettre le document aussitôt à l'Église entière en l'intégrant à son magistère ordinaire sans avoir besoin de passer par une exhortation post-synodale." poursuit Mgr Joly.


L’ouverture à la participation de tous n’est pas une contrainte, mais une richesse qui rend la mission plus belle et féconde.

Avancer ensemble dans une gouvernance partagée

"Pour avancer vers une Église plus synodale, il faut dépasser nos peurs. Les défis de la synodalité sont nombreux. L'un des risques est de ne pas réussir à avancer, faute de cadre normatif. L’ouverture à la participation de tous n’est pas une contrainte, mais une richesse qui rend la mission plus belle et féconde. Dans cette dynamique, la méthode de travail est primordiale : consulter, discerner et décider ensemble ne peut pas se faire au hasard. Un autre est de s’assurer que chacun trouve sa place et reconnaisse la spécificité de l’autre : les laïcs doivent être pleinement engagés, et les ministres ordonnés doivent assumer leur charisme propre sans voir leur autorité comme un pouvoir absolu. La synodalité est un chemin de conversion et non une simple réforme structurelle. Il s’agit d’avancer ensemble, en Église, sous la conduite du Christ, en donnant à chacun la place qui lui revient.” conclut Mgr Joly.


 

Le rôle du coach dans la transition de gouvernance d’un diocèse

par Stéphane Ancel, coach Talenthéo

La transformation des diocèses est motivée par plusieurs facteurs, notamment la diminution du clergé et la redécouverte du rôle des laïcs dans l’Église. La présence d’un coach Talenthéo permet d’articuler à la fois la compétence de coach et de chrétien baptisé, en identifiant l’œuvre de l’Esprit Saint. Il peut aider à instaurer une collaboration fructueuse entre clercs et laïcs en respectant les spécificités locales de chaque diocèse. Son regard extérieur permet de revisiter les représentations et modes de fonctionnement de chacun, en permettant aux acteurs d’interagir de manière plus fluide, de dépasser les schémas convenus et de créer une dynamique d’intelligence collective. Ce travail d’accompagnement ne se limite pas à une transformation organisationnelle ; il est aussi profondément spirituel. En s’inscrivant dans la durée, il permet de reconnaître la présence de l’Esprit Saint, et d’intégrer cette dimension dans sa gouvernance. Il ne s’agit pas de gérer une entreprise, mais d’accompagner une Église en transformation, inspirée par une vision renouvelée.


 
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