En 2015, à l’occasion du 50e anniversaire du synode des évêques, le Pape François a insisté sur l’égale dignité de tous les baptisés qui ont tous un rôle à jouer dans l’Eglise et forment ensemble un unique Peuple de Dieu. A ce titre, chaque baptisé a vocation à être enseigné autant qu’à enseigner, puisque selon l’image percutante du Saint Père, chacun a « son propre flair pour discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l’Eglise ». C’est dans cette perspective que le synode sur la synodalité a été lancé pour aboutir au synode des évêques en octobre 2023 à Rome.
Nous proposons dans ces lignes de chercher à comprendre la synodalité à travers le prisme du monde des relations.
Un processus d’apprentissage basé sur l’expérimentation
Le concept de synodalité vient caractériser une démarche de cheminement à plusieurs. Il vise donc un processus d’apprentissage plus que la conduite d’un projet. On peut considérer que sa richesse repose plus sur l’expérience qui y est vécue ensemble que sur les résultats qui en sortiront. Quand le Pape appelle avec beaucoup de finesse à un synode sur la synodalité, il met le peuple de Dieu dans un paradoxe merveilleux et fécond : à la fois il répond à ceux qui demandent des résultats concrets et en même temps, il contraint déjà les participants à expérimenter, au cours de ce temps de réflexion, un travail « en synodalité ». Et c’est cela qui est particulièrement pertinent : amener les personnes à vivre déjà ce sur quoi elles doivent réfléchir. Ce que les participants ont vécu jusqu’en avril dernier, c’est ce cheminement ensemble dans une écoute mutuelle. Notre regard technique sur les relations dirait tout simplement qu’ils ont vécu un temps de parité pour faire émerger une nouvelle expérience d’Eglise.
Un lieu de parité
Récemment, Talenthéo était auditionné par la Conférence des Evêques de France sur la question de la formation desdits Evêques. Au cours de cette audition, nous avons pu rappeler combien le système ecclésial se caractérisait par une hypertrophie du statutaire (lieu de la décision) laissant peu de place à des contextes de parité qui pourraient faire émerger un possible renouvellement des modalités relationnelles. Le synode sur la synodalité est typiquement un lieu de parité pouvant ouvrir sur de nouveaux possibles. Encore faut-il ne pas se tromper sur ce que l’on entend par parité.
Techniquement, la parité s’entend comme l’égalité dans la différence. D’où la nécessité de créer des contextes où la hiérarchie ne joue plus son office de décisionnaire, où chaque participant considère que sa parole vaut autant que celle des autres. C’est sans doute ce que le Pape François entend par « Eglise synodale » qui serait comme une « Eglise de l’écoute ».
Une nécessaire confrontation des représentations
Certes, l’écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre et où tous se mettent à l’écoute de l’Esprit Saint, est fondamentale. Cependant, si l’on en reste là, l’exercice de la parité ne rencontre pas sa fonction créatrice qui passe par la confrontation des représentations de chaque acteur d’où peuvent surgir des représentations nouvelles et donc des comportements nouveaux. La sémantique de l’Eglise tend à oublier cette configuration relationnelle au nom de la bienveillance, du respect de l’autre et de la charité, faisant par ailleurs de splendides confusions de niveaux logiques (émotionnel, moral et spirituel). Il faut espérer que ce synode sur la synodalité aura permis la mise en place de contextes de travail offrant aux prêtres, évêques, diacres, religieux et laïcs un apprentissage à la confrontation et à la régulation relationnelle.
Espérons aussi que les remontées n’aplatissent pas la richesse de l’ensemble des échanges paritaires qui ont pu se produire ! Il serait intéressant que le processus synodal n’aboutisse pas seulement au synode des évêques en octobre prochain, mais permette également une confrontation des évêques avec l’ensemble des baptisés. Quoi qu’il en soit, et au-delà des résultats du synode, souhaitons qu'il puisse amener, les évêques, les prêtres et laïcs en responsabilité dans l’Eglise, à toujours mieux se confronter pour faire émerger une transformation des modalités relationnelles et de gouvernement propres à servir le peuple de Dieu.
Arnaud Bornens, coach Talenthéo